Lima, capitale du Pérou, est une vaste agglomération composée d’une multitude de maisonnettes cubiques enchevêtrées les unes contre les autres. Rarement achevées, leur façade sont engluées dans un écheveau de câbles électriques et téléphoniques digne de la scène de l’araignée dans Harris Potter. Faire l'aller ou le retour de l’Aéroport à Miraflores, quartier résidentiel en bord de mer où se situent les hôtels à touristes, requiert du temps et beaucoup de patience selon l’heure de la journée et l’humeur du chauffeur. Compter de 1/2 heure à une heure.
Une demi-heure, c’est à 4 heures de matin, l’heure raisonnable à laquelle le chauffeur viendra te chercher pour te mener au premier avion de 6h qui te transportera à Cusco, Non non, c’est pas une blague, les temps d’enregistrement sont très long ici. Là tu peux, comme ce fut mon cas, découvrir les frissons du co-pilotage sportif, pied au plancher, avec, un « pilote » probablement daltonien, empruntant raccourcis et terre-plein latéraux, zigzagant entre les nids de poule et les camionnettes à passagers, n’hésitant pas à te demander de payer les quelques 2 km d’autoroute. Ici, on roule à l’efficacité, mais comme tout le monde fait plus ou moins pareil, chacun reste attentif et cela se passe plutôt bien. A l’arrivée n’oublie pas le « tips » , entend le pourboire. Tu lui donneras volontiers, ne sachant pas trop si c’est pour avoir été rapide ou si c’est pour t’avoir maintenu en vie. Bref tu y es, et là, c’est le principal.
Bon ces gaillards audacieux ne sont pas les seuls sur le marché très florissant du transport locatif. Pour mon retour, le chauffeur du van, affrété par le Condor Travel, de vrais pros, voyait la vie autrement. Il fut beaucoup fut plus calme, mais nettement moins efficace. Les 3 heures requises pour un embarquement à 10:15, ne furent pas respectées et deux heures, cela devient un parcours du combattant. Dans ces conditions ne pas hésiter à héler un porteur à chariot, les bagages, c’est lourds et t’as pas fini de te les porter. Avec un « tips » de 2,5 soles, tu fais un heureux et l’efficacité n’a pas de prix. Il connaît tous les « desks » des compagnies, car il faut savoir que les destinations ne sont pas affichées. Tout est mélangé ce qui te vaut de découvrir ta première file d’attente. Compte une bon quart d'heure avant de présenter ta misérable feuille d’imprimante, espérant que ce viatique insignifiant suffira à t’ouvrir les voies du ciel. Au fait un truc : si tu t’es laissé aller à acheter tous les panchos et pulls en Alpaca que t’as trouvés dans les échoppes de Cusco, sans compter toutes les polaires arrachés à la hâte de ton armoire avant le départ – en France il faisait froid - et dont tu ne t’es pas servi, glisse le pied sous ton sac, la bascule déteste l'obésité.
Une fois le précieux sésame portant bien ton nom en main, n’oublie pas de te munir de monnaie pour t’acquitter de la taxe d’aéroport. 20 soles pour les vols intérieurs et 100 pour l’international. Pas de panique il y a un bureau de change juste avant, cela t’évitera de subir deux fois ta deuxième file d’attente car ils ne prennent que du cash en dollar ou en soles, pas les euros.
Vient maintenant la troisième file, celle du contrôle de ton billet épinglé du timbre local. Rien à dire sauf que si t’as manqué la case numéro deux tu passes pas.
Tu penses en avoir fini ? Que non, Le jeu de l’oie continue, le problème est qu’il ne te reste plus trop de ressources. Question temps, ça file plus vite que prévu : 45 minutes ; nettement insuffisant pour atteindre la tête de la quatrième file d’attente. Au moins une centaine, peut-être deux cents personnes te précèdent. C’est à ce moment que tu vas sortir ton jocker, celui du mendiant. La recette : tu te saisis de ton billet, tu le brandis au nez du pauvre type devant toi en lui susurrant la formule magique suivante : « Sorry, I have no more time, tank you… » et tu lui passes froidement devant en refaisant le même coup au prochain. Avant que le premier ait eu le temps de réagir, toi t’est déjà loin. J’ai essayé, ça marche. Faut dire que les péruviens sont tes gens sympas et pas râleurs. Aussi il faut vraiment que ce soit pour de vrai. Cependant, mon truc n’était pas encore assez rapide, vu que le serpentin formé par les piquets à ruban s’enroulait sur lui-même encore plus serré qu’un cobra après son repas dominical. Alors là j’ai adopté la technique du combattant faisant ses classes : à quatre pattes entre les jambes des patients, poussant et tirant mes deux sacs remplis de tout mon matos photo et vidéo, plus de 20 kg en tout. Le VTT et les feuilles de coca, ça donne du tonus ! Bon, les 15 derniers passagers, faut pas exagérer, je ne les ai pas grattés, je venais de remonter le temps, y a pas à se plaindre. Te voilà maintenant devant l’entrée du péristyle initiatique : l’immigration. Un cerbère en tenue de chef t’y attend, l’air grave et soupçonneux, curieux d’examiner de la façon la plus savante qui soit ton carnet de survie, entend ton passeport. Tu te souviens ce papier qu’on t’a remis dans l’avion avant l’atterrissage à Lima la semaine dernière, j’espère que tu en as conservé le talon, car c’est justement lui que te réclame l’engalonné ; quant à ta photo elle se trouve déjà sur son écran de contrôle, magique ! Un conseil, t’as intérêt à conserver ton sérieux. Sourire à l’hôtesse qui aiguille le chaland, au douanier qui te taponne le matricule ; depuis le temps qu’il fait ça il doit avoir attrapé un « tampon elbow » à l’épaule. Sans attendre, te voici face à la gueule de l’ogre au regard perçant. « Aucun secret ne devra conserver ». Que faire des 4 délicieuses petites bananes dérobées à la sauvette au buffet de l’hôtel ce matin. Au fond de tes poches… ça devrait passer. Sacs, ceinture, monnaie, téléphone, voire tes pompes, tu enfournes le tout dans la machine à deviner l’avenir. Avec tous mes appareils, il ne faut pas que cela dégénère. Dans ce cas j’ai trouvé un truc. D’un ton très pro, je dis : « je suis journaliste, voici mon matériel professionnel, je n’ai pas le choix, c’est trop précieux ». En plus, et non sans humour, j’ajoute : « On me paye pour parler, alors… ». Bon là je n’avais pas mon vélo, réduit à un tas de pièces détachées, douillettement emmaillotées de pulls et chaussettes en Alpaca, le tout dans un carton enturbanné de ruban adhésif. Parce que là ça devient vraiment la galère.
A partir de maintenant, t’es quasiment sauvé, une bonne marche forcée afin de repérer le numéro de la porte d’embarquement et c’est parti pour 22 heures de voyage planant au dessus des soucis du monde. Les hôtesses enchignonées se chargeront du reste. Lima, Sao-Paulo, Amsterdam, Nice, un nombre inimaginable de professionnels veilleront sur toi ; et puis au « check in », ne t’as t-on pas demandé un numéro de téléphone différent du tien, au cas où.
Tu vois bien qu’on prend soin de toi, alors cool, tu lâches prise maintenant !
JEUDI 10 AVRIL
PARCOURS INITIATIQUE
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